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 POURQUOI LES STRATÉGIES DE MOMENTUM VONT-ELLES DURER? 2ÈME PARTIE
 

   Vous lisez la suite de la 1ère partie de l'article intiltulé Pourquoi Les Stratégies De Momentum Vont-Elles Durer?.

   Les causes de l’effet momentum

   Combien de temps le filon durera-t-il? Est-ce que les rendements supérieurs des stratégies de momentum des cours boursiers vont disparaître dès qu’un nombre significatif d’investisseurs appliqueront la recette? Voilà les grandes questions que l’on se pose face à une anomalie comme celle de l’effet momentum. Pour y répondre, il faut d’abord essayer de comprendre ce qui explique cet effet momentum et voir quelles en sont les causes.

   Il y a eu suffisamment de recherche sur le sujet pour écarter certaines causes. Par exemple, on sait que les titres qui jouissent d’un effet momentum ne sont pas plus risqués ou volatils que les autres. On sait aussi que ce n’est pas la taille des compagnies ou leur valeur comptable par rapport au cours de l’action (ratio cours/valeur comptable) qui explique le phénomène. En somme, l’effet momentum est relativement indépendant du risque, du beta, de la taille des compagnies (en termes de capitalisation boursière) et des multiples de valorisation comme le ratio cours/bénéfices ou cours/valeur comptable. L’hypothèse de la boucle de rétroaction positive (positive feedback trading), selon laquelle un titre monte de prix parce qu’il attire les investisseurs qui veulent profiter de la tendance à la hausse (analystes techniques, investisseurs de style momentum), a aussi été rejetée par les quelques chercheurs qui ont fait des observations sur la question.

   La seule explication qui gagne du terrain est celle avancée par les professeurs Louis Chan, Narasimhan Jegadeesh et Josef Lakonishok, dans un article paru en 1996 dans le Journal of Finance et intitulé « Momentum Strategies ». Elle est d’autant plus solide qu’elle vient d’être confirmée en 2002 par les professeurs Van Dijk et Huibers, pour 15 pays de l’Europe.

   Selon la théorie avancée par tous ces chercheurs, les marchés financiers ne sont pas totalement efficients quand il s’agit d’intégrer une nouvelle information publique dans les cours des actions. Ainsi, il faut souvent plus d’un an avant que le redressement d’une entreprise, l’amélioration de sa rentabilité et la reprise de sa croissance bénéficiaire ne soient enfin reflétées dans le cours de ses actions.

   Prenons l’exemple d’une compagnie qui a perdu, depuis cinq ans, des parts de marché au profit de ses concurrents, ou qui a vu ses marges bénéficiaires et ses profits se contracter comme peau de chagrin. Tout à coup, depuis deux trimestres, les mesures prises par la direction pour remédier à la situation commencent à donner de bons résultats. Les profits sont à la hausse et les marges bénéficiaires aussi. Bien que la société semble avoir réussi son redressement, il faudra plus que deux trimestres pour confirmer dans l’esprit des investisseurs qu’elle a bel et bien corrigé sa situation. En fait, le marché ne réagit que très graduellement à la bonne nouvelle, si bien qu’il peut prendre jusqu’à huit trimestres (ou deux ans) avant que l’action de la compagnie ne s’ajuste à la nouvelle donne.

   Cette réaction très graduelle du marché est d’ailleurs confirmée par le comportement des analystes financiers eux- mêmes. En effet, les chercheurs ont constaté, sur les marchés nord- américain aussi bien qu’européens, que les compagnies ayant déclaré des bénéfices supérieurs aux attentes des analystes lors d’un trimestre, ont tendance à réaliser des bénéfices qui vont encore une fois surpasser leurs prévisions lors des deux trimestres suivants. Autrement dit, les analystes sous-estiment l’accélération de la croissance des bénéfices par les entreprises qui vivent un redressement. Ils ne révisent leurs prévisions de bénéfices que trop graduellement et trop modestement.

   Le même phénomène semble caractériser la situation inverse, celle où un titre qui a donné de mauvais rendements durant un an a tendance à récidiver sa contre-performance dans l’année suivante. Une compagnie qui ne réalise pas, lors d’un trimestre donné, les ventes et les profits auxquels on s’attendait, ne sera pénalisée que très progressivement par le marché. Il serait étonnant que les analystes qui suivent cette compagnie coupent drastiquement leurs cours cibles ou qu’ils émettent une recommandation négative à cause d’un seul trimestre. Surtout quand ces analystes sont des employés d’une firme de courtage qui agit comme banque d’investissement et comme consultant pour la compagnie. Pourtant, les entreprises qui déçoivent les analystes financiers sur un trimestre ont fortement tendance à les décevoir sur les deux ou trois trimestres suivants. Les experts ont beau réviser à la baisse leurs prévisions de profits, tout se passe comme s’ils ne les coupaient pas assez. Pendant ce temps, le titre ne corrige que très doucement ou pas assez rapidement. C’est ainsi que se manifeste le phénomène de persistance des titres perdants, sur un horizon d’environ un à deux ans.

   Les forces structurelles qui se cachent derrière le phénomène de momentum des cours boursiers sont sans doute assez importantes pour faire en sorte que les stratégies d’investissement de type momentum durent encore longtemps. Il serait étonnant que les analystes financiers changent leur méthode de travail et d’analyse des compagnies, ou leur façon d’émettre des recommandations, même en devenant conscient du phénomène de persistance des gagnants ou de celui de la persistance des perdants. On peut aussi comprendre leur prudence à ne pas s’emballer trop rapidement pour les compagnies qui semblent avoir réussi une réforme, tout comme on ne peut leur reprocher trop sévèrement leur indulgence ou leur attentisme face à celles qui connaissent un ou deux mauvais trimestres.

   Je pense que les stratégies d’investissement dans les titres à fort momentum ont de bonnes chances de perdurer, car elles vont à l’encontre du sens commun et des sentiments de l’investisseur moyen. En particulier celle que je propose sur le portail LesAffaires.com, ou celles que d’autres investisseurs comme James O’Shaughnessy développe pour l’industrie des fonds communs. En effet, elles supposent généralement d’investir dans des titres qui ont connu un rendement de plus de 75 % lors de la dernière année, ce qui ne va pas sans quelques réticences de la part des investisseurs. Ils sont nombreux à se dire que de tels titres sont hautement spéculatifs et dangereux, ou encore qu’il est à peu près certain que tout le rattrapage qu’ils avaient à faire a été fait. Pourtant, dans les deux cas, la recherche universitaire a montré que ce n’est pas du tout le cas.

   Chan, L.K.C., Jegadeesh, N., et J. Lakonishok, “Momentum Strategies”, Journal of Finance, décembre 1996.

   Van Dijk, R. et F. Huibers, “European price momentum and analyst behavior”, Financial Analysts Journal, mars-avril 2002.

   André Gosselin

 
 
 
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