* Chronique d'André Gosselin parue dans
"Finance et Investissements".
On serait porté à croire que toute anomalie des
marchés financiers qui occasionne des rendements supérieurs à la
normale sera très rapidement exploitée par l’industrie du placement.
Pourtant, ça ne semble pas le cas. Certaines anomalies documentées
depuis dix ans de recherche ne sont pas toujours exploitées à outrance.
C’est le cas par exemple du phénomème de
momentum des cours boursiers que l’on connaît maintenant assez bien
depuis qu’une douzaine de recherches universitaires de haut niveau
(publiées notamment dans le prestigieux Journal of Finance) en a
confirmé l’existence dans une vingtaine de pays, dont le Canada et les
États-Unis. En 1993, les professeurs Jegadeesh and Titman ont montré
que les titres gagnants lors des 3 à 12 derniers moins ont de fortes
chances d’être des titres gagnants lors des 3 à 12 mois suivants. En
1999, le professeur Rouwenhorst confirmait pour 12 pays européens le
phénomène de l’effet momentum observé aux États-Unis.
J’aime bien décrire le phénomène de momentum en
parlant de persistance des gagnants, du moins à court terme. En termes
concrets, cela veut dire que les titres qui ont connu une forte
croissance lors des 6 à 12 derniers mois ont tendance à faire mieux que
la moyenne lors des 6 à 12 mois suivants. Même les fonds communs et les
fonds transigés en bourse (FTB) sont caractérisés par un effet
momentum. Par exemple, les FTB qui ont très bien performé lors de la
dernière année auraient tendance à battre les indices lors des 12 mois
suivants. À l’inverse, les titres, les fonds communs et les FTB qui ont
connu une contre-performance lors des 12 derniers mois ont de fortes
propensions à répéter cette mauvaise performance lors des 12 mois
suivants.
Si on observe un effet momentum des cours
boursiers à court terme (1 à 2 ans), il y a en revanche un effet de
retournement à long terme (3 à 5 ans), puisque les titres qui ont
réalisé des gains importants lors des 3 à 5 dernières années ont
tendance à produire des rendements inférieurs à la moyenne lors des 3 à
5 années suivantes. Quelques recherches ont montré la même chose pour
les FTB et les fonds communs. Il y a donc un danger à choisir ses fonds
d’actions en misant sur ceux qui ont très bien fait depuis cinq ans. La
prudence recommande de miser sur des fonds en actions qui ont donné
d’excellents rendements lors des 12 derniers mois (et de les conserver
seulement un an), mais qui ont connu de piètres résultats dans leur
groupe sur un horizon plus long (au moins trois ans).
Trois exemples
Dans ma chronique hebdomadaire sur le portail
LesAffaires.com, j’ai proposé aux lecteurs un panier de titres
canadiens que j’ai appelé Momentum Canada. Depuis sa création en mars
2001, il a généré un rendement de 19 %, alors que l’indice S&P/TSE 60
de la Bourse de Toronto a donné un rendement négatif de –18 %.
Ma stratégie a ceci de particulier qu’elle
combine un critère de momentum avec un critère de valeur. Je
sélectionne d’abord, grâce au sélectionner de titres disponible sur le
portail LesAffaires.com, toutes les compagnies de la Bourse de Toronto
qui ont un ratio cours/valeur comptable inférieur à 4 et qui ont
réalisé des bénéfices avec une croissance de 5 % par année lors des
trois dernières années. Dans un deuxième temps, je choisi dans ce
groupe de plus d’une centaine de candidats potentiels les 10 ou 20
titres qui ont connu la plus forte hausse de leurs cours boursiers lors
des 12 derniers mois.
Récente mise à jour du premier exemple :
Le rendement composé été de 22,1% depuis 26,5
mois au 12 juin 2003 du premier portefeuille modèle "Valeur-en-momemtum
canadien" publié sur le site des affaires.com en mars 2001 et renouvelé
sur le site de Orientation Finance en avril 2002 et avril 2003. La
valeur ajoutée composée annuelle sur l’indice TSE mid-cap a été de 23%.
La valeur ajoutée sur l’indice S&P/TSX a été de 25,6%.
Je connais deux firmes de fonds mutuels qui
offrent des fonds basés sur l’effet momentum des cours boursiers. La
famille de fonds RBC de la Banque Royale propose depuis quatre ans
trois fonds momentum inspirés d’une stratégie développée par James
O’Shaughnessy, un gestionnaire américain qui est un des plus ardents
promoteurs des stratégies d’investissement qui combinent valeur et
momentum.
Actuellement, un fonds canadien est géré par
James O'Shaughnessy auprès de la Banque Royale. Au 30 mai 2003, la
valeur ajoutée composé sur les indice TSX depuis trois ans a été de
17,3% avec un niveau moyen de volatilité inférieur de 65% à l’indice.
La valeur ajoutée composé sur 5 ans a été de 8,1%.
Montrusco est l’autre famille de fonds qui
offre un fonds de type momentum, appelé le TSE 100 Momentum. Créé par
Jean-Luc Landry lorsqu’il était le grand patron de Bolton Tremblay et,
après la fusion des deux firmes, de Montrusco, ce fonds a aussi connu
un excellent rendement depuis sa création. Pour les cinq dernières
années terminées le 31 juillet 2002, le fonds a procuré un rendement
annuel de 11,64 %, contre 1,05 % seulement pour les fonds d’actions
canadiennes de sa catégorie. La confection de ce fonds par Montrusco ne
comporte qu’une dizaine de titres, sélectionnés parmi les 100 grandes
compagnies canadiennes qui composent l’indice TSE 100. Le gestionnaire
choisit les 10 titres qui ont connu la plus forte hausse de leurs cours
boursiers lors des quatre derniers trimestres, en accordant une plus
forte pondération aux trimestres plus récents.
Outre leurs excellents rendements sur le marché
canadien, ce qui me fascine avec les portefeuilles d’actions qui misent
sur le momentum des cours boursiers est la simplicité avec laquelle on
arrive à les construire. Et pourtant, les rendements sont nettement
supérieurs à leurs autres portefeuilles d’actions canadiennes qu’ils
gèrent à temps plein durant toute l’année, en se tapant des centaines
de rapports annuels, des dizaines de réunions avec des patrons
d’entreprise et des piles de rapports d’analystes.
Continuez la lecture de cet article avec la 2ème
partie.
André Gosselin
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