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 LES MARCHÉS BOURSIERS À L'HEURE D'INTERNET - 1ÈRE PARTIE
 

   * Chronique d'André Gosselin parue dans Finance et Investissement.

   Le Web incite les investisseurs à faire plus de transactions, et des transactions plus spéculatives

   On n'a pas fini de se perdre en conjectures sur les conséquences d'Internet sur les marchés financiers et les comportements des investisseurs. Ne serait-ce que sur le plan de l'organisation des places boursières, Internet pourrait bien, un jour, réunir tous les marchés boursiers de la planète en un seul site, virtuel et électronique.

   Déjà, les marchés électroniques parallèles comme Island, Instinet et Archipelago traitent un nombre sans cesse croissant de transactions, sans intermédiaire. Ce n'est pas le cas à la Bourse de New York et sur le Nasdaq où, malgré tous les progrès dans l'automatisation des ordres, ce sont encore des hommes et des femmes qui exécutent les transactions.

   En 2000, la Bourse de New York comptait, sur son parquet, plus de 3000 personnes lui permettant de réaliser une moyenne de 671300 transactions par jour. Un marché boursier électronique comme Island, comptant 85 employés, réalisait à lui seul 321007 transactions par jour. Le réseau Internet ne fait que commencer à chambarder nos marchés boursiers et à en réduire les coûts.

   En matière de gouvernance d'entreprise, Internet recèle également de belles promesses. Comme on le sait, une grande part, sinon la majorité des petits investisseurs ne votent pas sur les propositions soumises par les directions d'entreprises à leurs actionnaires.

   Le vote électronique sur Internet pourrait bientôt changer cette situation et susciter un plus grand sentiment de participation et de responsabilité de la part des actionnaires individuels. Ces derniers pourraient aussi bien voter sur les questions de responsabilité sociale des entreprises que sur celles qui concernent la bonne gouvernance ou les orientations stratégiques.

   Internet fournirait enfin une plateforme permettant de débattre des questions importantes, de former des coalitions et de faire sortir le vote. À tous les chapitres, la démocratie des entreprises s'en trouverait améliorée.

   Du côté des investisseurs et des firmes de courtage, enfin, Internet a créé une révolution qui change radicalement les habitudes et les mentalités. Certains commentateurs ont soulevé l'idée que la pénétration d'Internet dans le courtage à escompte et du côté des investisseurs individuels est la principale cause de la hausse des volumes quotidiens de transactions et de la volatilité des marchés boursiers ; de plus, il s'agit sans doute du facteur le plus important à l'origine de la création de la bulle spéculative des titres de haute technologie à la fin des années 90.

   Machine à illusions

   Une chose est certaine: Internet a permis aux investisseurs d'avoir accès à une masse de renseignements mille fois plus importante que tout ce qu'ils connaissaient auparavant.

   Ils peuvent échanger entre eux grâce à des forums de discussion, lire tous les rapports annuels qu'ils veulent, consulter les archives de nouvelles et de communiqués de presse concernant toutes les entreprises, connaître en temps réel les fluctuations des cours, s'adonner à l'analyse technique de graphiques boursiers, sélectionner, à l'aide de filtres de recherche, les titres qui répondent le mieux à leurs critères de choix, et plus encore.

   Ces possibilités quasi illimitées, qui dépassent les scénarios d'anticipation des futurologues les plus imaginatifs, suscitent pourtant les craintes de plusieurs chercheurs. On redoute qu'Internet provoque deux phénomènes bien connus des psychologues: l'illusion de contrôle et l'illusion de connaissance.

   Les professeurs de finance Brad Barber et Terrance Odean ont particulièrement insisté sur ces deux phénomènes. Leurs études fournissent des éléments de preuve circonstancielle selon lesquels l'investisseur individuel, notamment l'internaute, serait un beau cas où se manifestent à plein régime l'illusion de contrôle et l'illusion de connaissance, avec pour conséquence ultime la manifestation d'une attitude pernicieuse et dommageable: l'excès de confiance.

   Résultat: les rendements du portefeuille de l'investisseur autonome en souffrent beaucoup.

   Comme ils l'écrivent si bien: «Quand les individus reçoivent plus de renseignements pour faire une prévision ou poser un diagnostic, la confiance en leur jugement augmente beaucoup plus que la véracité intrinsèque de celui-ci.»

   En fait, il arrive bien souvent que la valeur de certaines prévisions décline au fur et à mesure que l'information augmente, en raison du trop-plein d'information (information overload), comme l'appellent certains psychologues.

   Terrance Odean et Brad Barber ont montré que les investisseurs qui délaissent leur conseiller et leur courtier de plein exercice pour s'occuper eux-mêmes de leurs placements chez un courtier en ligne exécutant, réalisent un plus grand nombre de transactions, et celles-ci ont le défaut d'être plus spéculatives.

   En devenant plus autonomes grâce à Internet, les investisseurs ont fait passer le taux de roulement de leur portefeuille de 70 à 120% par année. Il semble, concluent les deux professeurs californiens, qu'il y ait un prix à payer quand on décide de délaisser son courtier pour tout faire soi-même par Internet, et ce prix est une baisse de rendement du portefeuille.

   Il serait hasardeux de prétendre qu'Internet est le seul responsable des insuccès des investisseurs. De nombreux facteurs expliquent les pièges dans lesquels ces derniers tombent trop souvent et les déboires que trop d'entre eux ont pu connaïtre. Mais il faut se rendre à l'évidence: Internet a exacerbé des travers que les investisseurs présentent depuis toujours ou bien il a agi comme catalyseur dans un processus de décision qui se révèle, somme toute, contre-productif.

   Continuez la lecture de cet article avec la 2ème partie.

   André Gosselin

 
 
 
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