Le mot GARP, dans l'esprit d'un investisseur
professionnel, ne fait pas nécessairement référence au personnage du
célèbre roman de John Irving (Le monde selon Garp). C'est le surnom
d'une stratégie de placement que l'on associe à l'approche
croissance, et dont le nom de baptême véritable est Growth At a
Reasonable Price (la croissance à prix raisonnable).
L'approche GARP est un heureux mélange des
styles valeur et croissance. Son côté croissance réside dans la
recherche de compagnies qui connaissent une croissance de leurs
profits supérieure à la moyenne des entreprises du marché. Son côté
valeur consiste tout simplement à payer le prix le plus bas possible
pour un titre en croissance.
En termes concrets, les tenants de l'approche
GARP ne vont acheter des actions d'une entreprise qu'à la condition
que son ratio cours/bénéfices (C/B) soit bien inférieur au taux de
croissance de ses profits. Les "garpistes" purs et durs vont même
jusqu'à dire que les vraies aubaines sont reconnaissables quand le
multiple C/B est deux à trois fois moins élevé que le taux annuel
prévu de croissance des profits.
L'action de Microsoft, par exemple, se
négociait antérieurement à un ratio C/B d'environ 60, alors que les
analystes prévoyaient un taux de croissance des profits de 15% par
année pour les cinq prochaines années. Avec un ratio C/B quatre fois
plus élevé que le taux de croissance des profits, la compagnie fondée
par Bill Gates est loin d'être un titre alléchant pour un "garpiste".
Le rapport de son multiple C/B sur son taux de croissance des profits
(ce que les analystes appellent le PEG, pour Price Earning Growth)
est de 4 (60/15 = 4). C'était nettement trop élevé a ce moment.
L'exploitant de centres de villégiature et de
stations de ski Intrawest, coté à New York et Toronto, représentait
une bien meilleure aubaine que Microsoft. Au début de mars 2002, le
titre s'échangeait à New York à un multiple C/B de 14, et la dizaine
d'analystes qui suivent l'entreprise prévoyaient, en moyenne, un taux
de croissance des bénéfices de 19% l'an pour les cinq prochaines
années. Avec un multiple CB/taux de croissance des profits (PEG) de
0,74 seulement, le titre d'Intrawest constituait un candidat
intéressant pour le portefeuille de l'investisseur de style
croissance, prudent et économe.
Vous croyez que les titres qui ont un ratio
PEG inférieur à 1 sont trop rares? 130 titres inscrits sur les
bourses américaines avaient un PEG inférieur à 0,5 le 12 mars 2002.
Malgré un contexte où l'on ne cesse de nous dire que les titres sont
à des prix historiquement très élevés, l'investisseur qui se donne la
peine de faire un peu de recherche trouvera toujours des compagnies
en croissance qui se vendent à des cours plus qu'intéressants.
La validité de la méthode GARP
En dépit de leur très grande popularité
auprès des investisseurs durant la décennie 1990, les stratégies
d'investissement de style croissance n'ont pas vraiment fait l'objet
d'études approfondies de la part des chercheurs universitaires en
finance. La difficulté de s'entendre sur une définition générale de
ce qu'on appelle un titre de croissance n'est sans doute pas
étrangère au manque d'intérêt des chercheurs pour les diverses écoles
qui se réclament de la philosophie croissance.
Pour toutes sortes de raisons, les stratégies
de style valeur ont beaucoup plus intrigué les chercheurs et
continuent d'alimenter leurs travaux académiques. Comme on a observé
que les titres ayant de bas ratios cours/valeur comptable,
cours/bénéfices, cours/ventes et cours/dividendes ont, règle
générale, des rendements plus élevés que les titres ayant des
multiples boursiers plus élevés, on en a conclu que le style valeur
est nettement supérieur au style croissance.
Du coup, on a mis dans un même bloc toutes
les stratégies de type croissance, sans chercher à en voir les
différences et les nuances les plus élémentaires. Mais surtout, on
est resté aveugle envers les stratégies de style croissance qui
pouvaient reposer sur des fondements solides et générer d'excellents
rendements.
Un des rares chercheurs à s'être intéressés
aux stratégies croissance est Donald Peters, auteur de A contrarian
strategy for growth stocks investing. Bien que l'ouvrage soit paru en
1993 et que les données de recherche concernent essentiellement la
décennie 1980, je reste convaincu que les constats de l'auteur
pourraient s'appliquer à la décennie 1990 et qu'ils seront d'une
grande pertinence pour la décennie 2000.
Son livre aurait pu être le fer de lance
d'une série de travaux sur la gestion de portefeuilles de type
croissance, mais ça n'a pas été le cas. La communauté académique
continue de faire la sourde oreille aux travaux et aux objets de
recherche explorés par Peters. On peut tout de même se consoler d'une
chose: moins une stratégie d'investissement lucrative est connue,
plus elle dure longtemps et plus intacte est sa performance future.
Continuez la lecture de cet article avec la 2ème
partie.
André Gosselin
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