*Chronique extraite du volume « Investir à l’aide de
l’analyse technique » de l’auteur André Gosselin.
Les stratégies d'analyse technique, quoique fort
nombreuses et variées, reposent en bonne partie sur les quatre propositions
suivantes, énoncées notamment par Edwards et Magee, auteurs de Technical
Analysis of Stock Trends, de loin le livre en analyse technique le plus lu au
monde".
On trouve dans les quatre propositions suivantes
l'essentiel de ce que j'appelle la doctrine standard de l'analyse technique,
celle qui est la plus ancienne et la plus largement partagée par les
techniciens:
1. La valeur d'un titre dans le marché dépend de
l'offre et de la demande.
2. L’offre et la demande sont gouvernées par
plusieurs facteurs, certains rationnels, d'autres irrationnels.
3. Le marché est très efficient et rapide pour
incorporer, dans le prix des titres, l'ensemble des facteurs rationnels
(annonces de bénéfices) et irrationnels (rumeurs, paniques, etc.) qui
influencent les investisseurs.
4. Les prix des actions évoluent suivant des
tendances qui se manifestent aussi bien à très court terme qu'à très long
terme.
L’offre et la demande
La première proposition n'a rien de très
révolutionnaire ou d'excentrique. À peu près tous les investisseurs,
techniciens ou non, acceptent l'idée que le prix des actions est déterminé,
entre autres, par le jeu de l'offre et de la demande. La question est de
savoir quel poids on accorde à ce facteur dans sa théorie ou sa conception
des marchés.
Les partisans de l'analyse fondamentale et des
stratégies axées sur la valeur ou sur la croissance des compagnies
considèrent qu'il y a des facteurs plus importants que l'offre et la demande
des investisseurs pour juger de la valeur d'un titre. Les techniciens
estiment qu'il s'agit du principal facteur à prendre en compte, si votre
objectif est d'obtenir le maximum de rendement sur vos placements. En tout
cas, c'est le facteur le plus accessible et le plus pratique pour la décision
de placement.
Qu'est-ce que l'offre et qu'est-ce que la demande,
lorsque ces deux phénomènes sont considérés dans le contexte des marchés
financiers? L’offre est l'ensemble des décisions d'investissement qui
découlent d'une analyse fondamentale pessimiste d'un titre donné et de sa
valeur; au contraire, la demande est constituée de l'ensemble des décisions
d'investissement qui découlent d'une analyse fondamentale optimiste d'un
titre donné et de sa valeur. En somme, l'analyse technique est l'équivalent
de ce qu'on appelle, en science économique, la macroéconomie, car l'analyste
s'intéresse d'abord et avant tout à l'offre agrégée et à la demande agrégée,
c'est-à-dire à l'offre de tous les investisseurs réunis et à la demande de
tous les investisseurs réunis.
Le rationnel et l'irrationnel
La deuxième proposition de la doctrine standard de
l'analyse technique évoque l'idée que les marchés sont gouvernés par des
individus qui usent tantôt de leur intelligence, tantôt de leurs émotions et
sentiments. Parfois, les marchés semblent évoluer rondement et les
investisseurs ne paraissent guidés que par le froid calcul et la pure
intelligence; parfois, les marchés ressemblent à un match sportif, voire à un
jeu de casino, où tous les coups sont permis et où les bas instincts
dominent. Dans ce dernier cas, on a le sentiment d'assister à une course
contre la montre, dans une zone où l'on a annoncé une alerte météo, avec les
manifestations de panique, les angoisses, les tentatives de sauvetage et les
« morts » que cela comporte.
Bref, les marchés financiers donnent lieu au meilleur
de l'intelligence et au pire des instincts de l'homme. Les partisans de
l'analyse technique considèrent que le marché est à 10% logique et à 90%
psychologique. Les adeptes de l'analyse fondamentale affirment au contraire
que le marché est à 90% logique et à 10% psychologique.
L’efficience des marchés
La troisième proposition, vous l'aurez reconnu, est
une charge à peine voilée contre les prétentions de l'analyse fondamentale.
Plusieurs adeptes de l'analyse technique, comme je l'ai dit, n'hésitent pas à
s'appuyer sur l'autorité scientifique pour fustiger l'analyse fondamentale.
Stan Weinstein par exemple, auteur d'un ouvrage bien
connu en analyse technique et éditeur d'une lettre financière très populaire,
écrit ceci:
"Vous ne pourrez jamais battre avec constance le
marché en lisant les nouvelles fondamentales d'aujourd'hui dans les journaux
et en agissant sur la foi de cette information. C'est un passeport pour
l'échec, une petite dose de poison mortel que le novice s'administre sans
s'en rendre compte […] Ce n'est pas non plus en suivant les nouvelles
économiques et financières que vous transformerez vos investissements en
paris gagnants. Dans une société saturée d'ordinateurs et d'informations
instantanées, les marchés financiers réagissent aux derniers développements
bien avant que vous en soyez informé par la presse."
On croirait lire un universitaire convaincu par la
théorie des marchés efficients ou un chercheur acquis aux conclusions des
nombreuses études démontrant l'inutilité de l'information publique,
accessible à tous, du moins dans une stratégie de placement qui vise à battre
le marché.
D'une certaine façon, Weinstein n'a pas tort.
Toutefois, les techniciens se font prendre en défaut, lorsqu'ils ne font
aucunement mention des travaux des économistes sur l'une ou l'autre des
règles de l'analyse technique. Ils se sortent de cette impasse en affirmant,
comme Weinstein, que l'analyse technique tient plus de l'art que de la
science. Leur position est de dire que vous pouvez faire fortune à la Bourse
en n'ayant raison que le moitié du temps, voire qu'une fois sur trois, à
condition que vous laissiez courir les profits et que vous coupiez rapidement
vos pertes. La position du scientifique est de dire qu'une méthode qui ne
fonctionne qu'une fois sur deux n'est pas valide.
Ainsi, les deux individus ont des critères différents
pour juger d'une méthode: le savant dira qu'elle est valide si elle réussit
au moins plus d'une fois sur deux, l'analyste technique dira qu'il n'est pas
besoin qu'une méthode réussisse plus d'une fois sur deux pour qu'elle soit
acceptable et utile, pourvu qu'elle rapporte suffisamment d'argent à celui
qui l'adopte.
Les tendances des cours
La quatrième proposition de la doctrine standard de
l'analyse technique est la plus importante. Comme l'explique Martin Pring,
auteur de Technical Analysis Explained, l'objectif de l'analyse technique est
de cerner les changements ou les retournements dans le prix des actions,
grâce notamment à des indicateurs et à de simples ratios mathématiques sur
l'état et la conjoncture des marchés. Les marchés évoluent en tendances, dans
une direction donnée, soit à la hausse, soit à la baisse; parfois, ils vont à
l'horizontale, comme si le marché prenait une pause et que les investisseurs
entraient dans une période d'indécision.
Ces périodes intermédiaires ont leur importance pour
certains techniciens, car, dès que le marché prend une direction plus claire,
à la hausse ou à la baisse, il est possible de se positionner afin de prendre
le train à temps. Il s'agit de l'art, difficile, de l'analyse technique.
André Gosselin
|