* Chronique d'André Gosselin parue dans
Affaires Plus
Pour certains de mes amis, l’achat d’une
voiture ou d’une maison est un vrai casse-tête tellement le choix est
grand. Ils peuvent passer des heures dans une librairie sans jamais
rien acheter à cause du trop grand nombre de livres sur les rayons.
Quand ils entrent dans un club vidéo, ils en sortent le plus souvent
les mains vides, incapables d’arrêter leur choix devant les nouveaux
films du mois. L’embarras du choix, pour eux, est plus embarrassant
qu’autre chose.
Je leur dis qu’ils feraient de biens piètres
investisseurs, puisqu’on compte plus de 1000 compagnies inscrites à
la Bourse de Toronto, et près de 10 000 aux Etats-Unis. Mais comment
fais-tu pour choisir les titres de ton portefeuille dans toute cette
jungle, me demandent-ils ? Ma réponse : l’informatique. Des bases de
données financières, mises à jour quotidiennement, aident la plupart
des gestionnaires de portefeuille à passer au tamis les milliers de
titres cotés sur le marché, pour ne retenir que ceux qui répondent à
leurs critères de sélection. Comme le monde de l’investissement est
d’abord un univers de chiffres et de statistiques, la tâche de
choisir est grandement facilitée.
Il ne faudrait toutefois pas croire que les
gestionnaires de caisses de retraite et de fonds communs de placement
font tous appel, régulièrement et de façon systématique, aux bases de
données boursières et à la puissance des ordinateurs. Ceux qui
recherchent les compagnies gérées par une équipe de direction honnête
et compétente prétendent utiliser leur « instinct », avec tout ce que
cela comporte en termes de risque, d’imprécision et de mystère.
D’autres disent favoriser les entreprises promues à une forte
croissance de leurs ventes et de leurs bénéfices pour les 5 à 10
prochaines années, sans trop qu’on sache avec quelle sorte de boule
de cristal ils y arrivent.
J’ai appris avec les années que ceux qui s’en
sortent le mieux avec ces approches qualitatives ont en fait accès à
un vaste réseau de contacts (analystes financiers, journalistes,
chercheurs, patrons de compagnie, hauts fonctionnaires, etc.) qui les
aide grandement dans leur démarche. C’était le cas avec Peter Lynch,
le célèbre gestionnaire du fonds Magellan de Fidelity. Et je pense
qu’une grande part du succès d’un Warren Buffett repose sur cette
capacité à construire un réseau d’informateurs alertes et aguerris.
Devant le vaste choix de titres qui s’offrent
à lui, l’investisseur amateur n’est pas totalement dépourvu de
moyens. Il arrive à réduire son anxiété et sa paralysie face à
l’éventail de titres parmi lesquels il devra choisir, avec des
résultats plus ou moins heureux.
Les économistes financiers nous ont appris,
par exemple, que le petit investisseur qui gère lui-même son
portefeuille n’hésite pas à faire appel à ses amis, ses collègues de
travail ou ses parents pour se constituer un portefeuille d’actions.
Comme les grands investisseurs de ce monde, il a besoin de savoir si
les titres qu’ils préfèrent sont également prisés par les gens de son
milieu.
L’investisseur particulier a aussi une forte
propension vers les compagnies de sa ville, de sa région ou de sa
province. Ce biais local, qu’on peut observer aussi bien au Québec
qu’au Canada ou qu’aux Etats-Unis, donne normalement de bons
résultats en termes de rendement, car les investisseurs disposent de
beaucoup plus d’informations sur les compagnies qui sont implantées
chez eux (qui achètent, qui vendent et qui embauchent chez eux) que
sur celles qui ne font pas d’affaires dans leur milieu.
Le processus de décision des investisseurs
autonomes commence à être bien connu des chercheurs. Une étude
récente de Terrance Odean et Brad Barber, deux chercheurs de
l’Université de Californie, a montré que l’investisseur, au moment
d’acheter un titre, choisira parmi ceux dont on parle le plus sur le
moment dans les médias, ceux aussi qui font l’objet d’un volume
anormal de transaction depuis quelques jours, ou encore ceux qui
montent ou qui baissent de façon drastique sur à peine quelques
séances.
Pour la plupart des investisseurs, disent-
ils, il y a un coût trop élevé à faire l’analyse de toutes les
compagnies qu’ils connaissent bien pour en choisir finalement une qui
fera partie de leur portefeuille, et ce coût est réduit quand
l’investisseur décide de faire son choix parmi les titres qui
attirent son attention sur le moment. Malheureusement, les actions
qu’ils achètent ainsi performent moins, sur les 12 mois qui suivent,
que celles qu’ils ont vendues (ceux-ci continuant de bien faire même
après les avoir vendus). Tout ce qui brille n’est pas or !
André Gosselin
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