L’analyse quantitative en investissement est née avec
l’avènement des ordinateurs personnels et des bases de données boursières.
L’idée qu’on pouvait gérer un portefeuille à l’aide des ordinateurs s’est
imposée au point de devenir une nouvelle approche caractérisée par sa rigueur
et sa discipline.
L’analyse quantitative est fondée sur l’évaluation
régulière et systématique des facteurs financiers quantifiables et mesurables
qui ont le plus de succès sur le rendement d’un portefeuille. Grâce aux
ordinateurs et aux bases de données financières sur les entreprises cotées en
Bourse, le gestionnaire fait en sorte que son portefeuille soit toujours
composé des titres qui correspondent le mieux aux facteurs du moment qui sont
les plus rentables et payants.
La grille de sélection de portefeuille d’un
gestionnaire quantitativiste va donc évoluer avec la conjoncture et les styles
de gestion qui connaissent le plus de succès. Si son programme informatique
lui montre que c’est l’approche « valeur » qui réussit le mieux, sa grille de
sélection contiendra surtout des critères comme un bas ratio cours/bénéfices,
un haut rendement en dividende, etc.
En revanche, si sa recherche lui montre que les titres
qui s’apprécient le plus sont ceux des compagnies qui connaissent une forte
croissance de leurs bénéfices, avec des profits déclarés qui dépassent les
attentes des analystes, sa grille de sélection se composera alors des critères
qui font le succès des investisseurs au style « croissance ».
Les gestionnaires de portefeuille au style plus
classique utilisent les mêmes critères que les gestionnaires quantitativistes
pour faire leurs choix de titres. La différence réside dans le nombre de
titres que chacun passe à l’examen, dans la fréquence d’évaluation de chaque
titre, dans le nombre de facteurs pris en compte pour construire un
portefeuille et dans la précision qu’on met à pondérer chaque critère pour
obtenir un rendement maximal.
Ainsi, une différence importante entre l’analyse
fondamentale « classique » et l’analyse quantitative est que celle-ci démarre
sa recherche avec le plus large bassin de titres possible (tous ceux de la
Bourse de New York ou de Toronto par exemple) et détermine systématiquement
les achats et les ventes de titres en utilisant un nombre limité de critères
de sélection.
L’analyse fondamentale se concentre sur un échantillon
plus restreint de titres, avec des critères de sélection plus subjectifs et
qualitatifs comme les compétences de la direction d’une entreprise, la valeur
de son plan de marketing, la qualité de ses produits, les chances de fusion ou
d’acquisitions, etc.
Parce qu’elle dispose des moyens de le faire
(ordinateur et programme de tamisage de plusieurs marchés boursiers),
l’analyste quantitatif tente de diversifier son portefeuille partout où cela
est possible. L’analyse fondamentale classique met plutôt l’emphase sur la
sélection des titres sans trop s’occuper de la diversification optimale.
Certaines stratégies qui relèvent de l’analyse
quantitative peuvent utiliser un seul critère pour sélectionner les titres de
son portefeuille, mais elles le feront systématiquement, année après année,
avec toujours la même rigueur. C’est le cas de la stratégie axée sur le
rendement du dividende, qui consiste a choisir au sein d’un marché boursier
les 10, 20 ou 30 compagnies (peu importe le nombre) dont le rendement en
dividende est le plus élevé. Une fois par an on renouvellera le portefeuille,
avec toujours le même critère de composition.
D’autres stratégies dérivées de l’analyse quantitative
contiendront plus d’une dizaine de critères de sélection. Il ne faut pourtant
pas croire que plus il y a de critères, meilleur c’est. La plupart des
investisseurs quantitativistes ont plutôt constaté que les stratégies les plus
performantes ne contiennent que 3 ou 4 critères, pas plus.
Tout au long des années 1990, les dix critères les
plus utilisés par les investisseurs professionnels pour bâtir leurs
portefeuilles ont été les suivants : 1- les bénéfices surprises qui dépassent
les attentes des analystes; 2- le rendement sur l’avoir des actionnaires; 3-
la réévaluation des bénéfices par les analystes; 4- le ratio cours/fonds
autogénérés; 5- la croissance prévue des bénéfices sur cinq ans; 6- le
momentum des bénéfices; 7- le modèle du dividende escompté; 8- le ratio
cours/valeur comptable; 9- le rapport de la dette sur l’avoir des
actionnaires; 10- le rendement du dividende.
Les enquêtes des investisseurs quantitativistes ont
montré que certains de ces facteurs permettent à l’investisseur, à long terme,
de réaliser des rendements supérieurs à la moyenne. C’est le cas notamment
avec le critère du ratio cours/valeur comptable. Moins un titre coûte cher par
rapport à la valeur comptable par action de la compagnie, plus il a de chances
de fournir de bons rendements à long terme.
On a constaté également que la taille des entreprises
avait un effet important sur le rendement du portefeuille. Ainsi, plus un
portefeuille est composé d’entreprises de petite taille (mesuré par la
capitalisations boursière, ou le nombre d’actions en circulation multiplié par
le prix de l’action), plus grandes sont ses chances de réaliser un haut
rendement.
Si, depuis le début des années 1900, ces deux critères
ont généré les meilleurs rendements à la Bourse, il faut admettre que la
décennie 1990 a joué les troubles-fêtes. En effet, ce sont les entreprises de
grande taille ayant des multiples cours/valeur comptable élevés qui ont
procuré les meilleurs rendements aux investisseurs nord-américains et
européens.
Ainsi, certains critères de sélection de titres sont
très performants lors de conjonctures particulières, alors que d’autres ne le
sont pas du tout; et quelques années plus tard on constate que c’est l’inverse
qui se produit. La roue tourne ainsi sans qu’on sache trop pourquoi les
facteurs performants d’hier ne le sont plus aujourd’hui, et pourquoi les
facteurs performants d’aujourd’hui étaient de si peu d’aide hier.
La seule façon de ne pas se faire piéger par ces
cycles boursiers, prétendent quelques investisseurs quantitativistes, est
d’identifier les facteurs les plus performants et les plus stables à long
terme, c’est-à-dire sur une échéance d’environ une vingtaine d’années. Un
horizon de placement tout à fait raisonnable pour l’investisseur sérieux.
André Gosselin
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